Les explorations fonctionnelles en proctologie

Les examens complémentaires en proctologie tendent avant tout à explorer deux grands types de pathologie opposés :

La constipation terminale :

A mon avis, il vaut mieux faire un colpocystogramme qu'une défécographie chez la femme.

L'étude ne doit pas être cantonnée au rectum mais à l'ensemble du périnée. Seul le colpocystogramme pourra nous donner des informations dynamiques de la vessie voire même d'élythrocèle ou d'entérocèle.

L'incontinence anale :

 

 

STRATEGIE DIAGNOSTIQUE DEVANT UNE DYSCHESIE DE L’ADULTE

 

La constipation est une des plaintes digestives les plus fréquents. On distingue une forme dite de transit par trouble de la progression colique et une forme dite distale ou dyschésie par trouble de l’évacuation.

 

a distinction entre les deux, difficile car elles sont souvent intriquées, repose essentiellement sur l’interrogatoire. La dyschésie est définie par une exonération difficile avec des efforts importants de poussée, des manœuvres digitales et une sensation d’évacuation incomplète. En outre, l’impossibilité ou la difficulté d’expulsion d’un ballonnet introduit dans l’ampoule rectale, la vidange rectale incomplète en défécographie et le ralentissement des marqueurs radio-opaques au niveau recto-sigmoïdien permettent d’être plus précis.

 

En pratique, la dyschésie recouvre des situations cliniques nombreuses et intriquées, imposant une démarche diagnostique difficile pour proposer une thérapeutique optimale.

 

n Interrogatoire

 

Il occupe une large place dans la démarche diagnostique.

Il faut préciser le nombre quotidien de selles et leur consistance, l’ancienneté ainsi que l’évolution de la dyschésie et les signes associés : Douleurs, pesanteur périnéale, altération de l’état général, rectorragies, suintement, prolapsus extériorisé, dyspareunie, incontinence, etc. La recherche de manœuvres digitales, d’une grande valeur diagnostique, doit être systématique, au risque de choquer la pudeur des patients, qui en parlent rarement d’eux-mêmes.

Les antécédents obstétricaux et chirurgicaux pelvi-périnéaux ont une importance fondamentale ainsi que les habitudes hygiéno-diététiques et les prises médicamenteuses susceptibles de favoriser la constipation.

Il ne faut pas oublier d’évaluer le contexte psychologique de ces patients dont le vécu est parfois difficile (deuil, divorce, chômage, abus sexuels, etc.).

 

n Examen clinique

 

Son apport diagnostique est majeur, en particulier dans les troubles de la statique pelvienne.

Après un examen somatique standard, un examen proctologique minutieux est indispensable. L’inspection recherche une béance anale, une disparition des plis radiés, une cicatrice, une fissure, une lésion bourgeonnante, un prolapsus muco-hémorroïdaire ou rectal, une ballonnisation périnéale. Le toucher permet d’apprécier le tonus de repos et la contraction volontaire du canal anal, l’existence et la taille d’une rectocèle et l’absence de relaxation sphinctérienne à la poussée. En outre, il élimine un fécalome ou une lésion tumorale. Le toucher bidigital permet de palper une élytrocèle. L’anuscopie apprécie le réseau hémorroïdaire et peut visualiser un prolapsus rectal interne, la rectoscopie un ulcère solitaire du rectum. La poussée en position accroupie facilite l’extériorisation du prolapsus rectal. Il faut également rechercher les lésions uro-génitales souvent associées (colpocèle, hystérocèle, urétrocèle, cystocèle, etc.) par un examen en décubitus dorsal, suisses semi-fléchies, et l’examen neurologique est systématique.

 

n Examens complémentaires

 

Un interrogatoire et un examen clinique bien menés suffisent le plus souvent pour préciser le mécanisme de la dyschésie et instituer un traitement adéquat. Toutefois, le recours aux examens complémentaires est parfois envisagé, le plus souvent après échec d’un traitement symptomatique d’épreuve.

Il faut systématiquement écarter un obstacle par une exploration morphologique colique : coloscopie et / ou lavement baryté.

D’autre part, il faut rechercher une constipation de transit associée par un bilan biologique usuel (kaliémie, calcémie, glycémie, hormones thyroïdiennes) et, éventuellement un temps de transit colique.

 

Certains examens permettent de préciser le mécanisme de la dyschésie et rechercher les lésions uro-génitales associées, leurs indications découlant des constations cliniques et des thérapeutiques envisagées (Figure I).

 

Figure I : Algorithme diagnostique face à une dyschésie de l’adulte (RRAI : réflexe recto-anal inhibiteur)

 

 

On retiendra :

 

 

Cependant, l’interprétation de ces données complémentaires est souvent difficile, la plupart des anomalies, notamment en défécographie, étant non spécifiques et déjà décrites chez des sujets asymptomatiques. La décision thérapeutique repose dons sur la synthèse des plaintes fonctionnelles du patient, des constations cliniques et des différents résultats obtenus.

 

n Causes

 

Elles sont nombreuses et relèvent de plusieurs mécanismes : obstacle, trouble de la motricité ou de la sensibilité ano-rectale, trouble de la statique pelvienne. Je n’évoquerai pas les constipations secondaires aux pathologies proctologiques douloureuses (fissure anale, thrombose, etc.).

 

l Il n’est pas besoin d’insister sur certaines causes classiques à systématiquement recherche : le cancer anal ou recto-sigmoïdien, le fécalome ou les sténoses ano-rectales de causes diverses (compression extrinsèque, lésions inflammatoires, ischémique, radiques, postopératoires, etc.).

 

l L’anisme est également dénommé dyssynergie ano-rectale, dyschésie rectale, syndrome spastique du plancher pelvien, incoordination ou asynchronisme abdomino-périnéal, dyskinésie du pubo-rectal, périnée immobile, etc., illustrant l’imprécision de cette entité dont certains contestent l’existence. C’est un trouble moteur caractérisé par une contraction paradoxale ou une incapacité à relâcher le sphincter strié lors des efforts de défécation. Son étiologie reste obscure mais la composante psychologique semble importante. Son diagnostic difficile, probablement posé par excès, repose sur la combinaison de plusieurs examens positifs : examen clinique, manométrie (absence de relaxation du sphincter strié lors de la poussée), défécographie (empreinte postérieure du pubo-rectal avec fermeture de l’angle anorectal lors de la poussée) et / ou électromyographie (renforcement de l’activité électrique du muscle strié lors de la poussée). En effet, ces techniques ont une sensibilité et une spécificité insuffisantes et ne sont pas toujours corrélées entre elles.

 

l Toute neuropathie affectant l’innervation pelvienne (syndrome de la queue de cheval, spina bifida, méningocèle, traumatisme médullaire, sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, etc.) peut s’accompagner de dyschésie. Le diagnostic est évoqué sur l’anamnèse, l’examen neurologique et l’électrophysiologie.

 

l Le mégarectum, caractérisé par l’émoussement de la sensation de besoin, diagnostiqué par la manométrie et la défécographie, est le plus souvent secondaire à une rétention volontaire et chronique des matières mais parfois lié à une maladie de Hirschsprung à rechercher devant l’absence réflexe recto-anal inhibiteur. L’hypertonie stable ou instable, entité peu précise, dont la cause n’est pas claire, est diagnostiquée par la manométrie qui objective une absence de réflexe recto-anal inhibiteur et une hypertonie anale de repos.

 

l Les troubles de la statique pelvienne, fréquents chez la femme, se révèlent souvent par une dyschésie. Ils sont favorisés par l’accouchement par voie basse, les efforts de poussée répétés, la chirurgie pelvi-périnéale et les modifications trophiques tissulaires de la ménopause.

 

On distingue plusieurs entités souvent associées entre elles :

- La rectocèle, qui est une hernie de la paroi rectale, le plus souvent antérieure, secondaire à une faiblesse du septum recto-vaginal, apparaissant lors de la poussée. Evoqué sur les manœuvres digitales endovaginales caractéristiques, le diagnostic repose sur l’examen clinique (doigt intrarectal en crochet) et la défécographie que met en évidence la séquestration des selles dans la rectocèle lors de la poussée, en mesure la profondeur et recherche les anomalies associées. Toutefois, la rectocèle pouvant être retrouvé chez le sujet asymptomatique, il faut l’incriminer avec beaucoup de réserve dans une dyschésie ;

- L’élytrocèle, qui est définie par la présence d’anses intestinales (entérocèle) ou de sigmoïde (sigmoïdocèle) dans le cul-de-sac de Douglas, s’interposant entre les parois vaginales et rectales, est fréquent après hystérectomie. Elle est suspectée sur l’élargissement de l’espace recto-vaginal en défécographie et authentifiée par l’opacification du tube digestif. En réalité, cette anomalie, difficile à différencier de la rectocèle, est souvent associée aux autres troubles de la statique pelvienne si bien que son rôle exact dans la dyschésie reste discuté ;

- Le prolapsus rectal, qui est un glissement vers le bas de la paroi rectale dont la physiopathologie n’est pas clairement étable. La faiblesse du plancher pelvien et un rectum anormalement mobile semblent conditionner sa survenue. Evident s’il est extériorisé, il est difficile à diagnostiquer s’il reste interne, visualisé au retrait progressif du rectoscope et, surtout, en défécographie. Les manœuvres digitales endo-anales pour extraire les selles sont évocatrices. Le syndrome de l’ulcère solitaire est souvent associé. Quant au mécanisme des dyschésies sévères rapportées après rectopexie au promontoire pour prolapsus reste mal compris.

- Le périnée descendant, qui est un affaissement des muscles du plancher pelvien. La dyschésie en serait une conséquence possible mais également un facteur aggravant. Les manœuvres digitales péri-anales consistent à appuyer de part et d’autre de la marge lors de la défécation. L’évolution mènerait à terme à l’incontinence fécale. Le diagnostic, évoqué à l’examen clinique, est quantifié par la défécographie qui recherche surtout les anomalies associées.

 

l Dans certains cas, aucune cause locale n’est retrouvée et la dyschésie serait l’expression d’une détresse psychologique.

 

n Conclusion

 

La dyschésie est donc une affection fréquente dont la physiopathologie complexe fait actuellement l’objet de nombreux travaux. Le plus souvent, des règles hygiéno-diététiques et un traitement symptomatique suffisant à soulager le patient. Toutefois, il est parfois nécessaire de recourir aux examens complémentaires afin de comprendre le mécanisme et mieux traiter la dyschésie. Cette démarche diagnostique est difficile car les multiples causes sont souvent intriquées et les examens posent de nombreux problèmes d'interprétation. n